102_5292Nous mettons à votre disposition une traduction en français de l’allocution de Son Éminence Ephrem (Kyriakos) de Tripoli, Koura et dépendances, adressée à l’auditoire présent à la cathédrale « Al Maryamieh » à Damas, après son ordination épiscopale. Nous tenons à remercier M. Raymond Rizk pour le travail effectué sur la traduction ainsi que M. Georges Habet (& M. Antoine Khouri) pour le diaporama de l’occasion qui vous est proposé à la fin du texte de l’allocution:

Votre Béatitude Ignace IV, patriarche d’Antioche et de tout l’Orient,

Messeigneurs les évêques, membres du Saint Synode Antiochien,

Messieurs les membres du Corps Diplomatique,

Révérends Pères,

Frères bien aimés,

Je me dois de dire ici une parole, parole de remerciements, parole d’espérance.

Un moine qui devient évêque. Pourquoi et comment cela est arrivé ? C’est un mystère caché que seul l’Esprit Divin peut révéler. Sa Béatitude a dit une parole qui me revient souvent à l’esprit : « Tout véritable Orthodoxe est moine, où qu’il soit dans le monde ». Cela est-il dû à son appartenance à Dieu, ou bien à sa conduite pratique et morale ? C’est là un thème qui mérite une profonde méditation mais le fondement intérieur de l’homme en est la base.

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Bien aimés, notre bon peuple aime le chant, le ravissement et les beaux discours. Or, les mots n’expriment pas toujours le fond des pensées et restent au niveau d’un chant poétique. Quelle est donc la différence entre un langage poétique et un langage inspiré de Dieu ?

Quand Il descend dans le cœur, l’Esprit Divin y suscite un mouvement intérieur profond qui agit dans l’être tout entier, jusqu’aux limites des sens. Il provoque ainsi un élan vers les autres, faisant coïncider la parole et les actes. Ce mouvement vient de Dieu et traverse notre cœur de chair pour aller à la rencontre d’autrui.

C’est dans ce contexte que je me pose la question: pourquoi es-tu là, frère ? Quelle est donc ta mission ? Qu’attend de toi l’Église aujourd’hui, toi le faible et l’indigne ?

« Le Fils de l’Homme est venu non pour être servi, mais pour servir et donner sa vie en rançon pour la multitude » (Mt 20, 28). Je suis donc d’abord venu  pour servir mon Église et le monde entier, je veux dire tout homme que je rencontrerais sur mon chemin. Je veux servir et me donner jusqu’à la mort pour qu’il ne reste aucune distance séparant la parole de l’action et afin que notre peuple cesse de dire « qu’il existe un gouffre entre nous et nos chefs [spirituels, voulant dire évêques] », et que l’idée répandue que l’Église est loin de son peuple cesse de se propager. Je sais pertinemment que notre peuple est bon et qu’il a faim et soif de la Parole de Dieu. Cependant, il veut que nous allions vers lui, que nous le cherchions là où il se trouve, que nous retrouvions tout égaré et le ramenions dans la joie au bercail.

Notre Église est porteuse de la Bonne Nouvelle. Il nous faut retrouver cette tradition, c’est ‘un dépôt’ dont nous devons rendre compte. « Malheur à moi si je n’annonce pas l’Évangile » disait l’Apôtre (1 Cor 9, 16). La mission d’annoncer la Bonne Nouvelle consiste, selon des connaisseurs de la situation du monde d’aujourd’hui, dans un retour de l’homme à Dieu, laissant derrière lui ses convoitises, ses plaisirs et son égoïsme. Notre Église Antiochienne a un message unique et particulier qu’elle se doit d’accomplir et de porter à tout homme et sur toute la terre.

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Bien aimés, la terre que nous foulons est une terre sainte. Son sol est pétri du sang des martyrs et des saints. « Mettons à profit le temps présent, car les jours sont mauvais » (Ep. 5, 16).

Utilisons donc l’occasion qui nous est offerte avant qu’il ne soit trop tard. Aidez-moi, vous qui aimez Dieu, afin que je ne m’enlise point dans les soucis de ce monde, dans ses richesses, ses plaisirs et afin de ne pas nous trouver étouffés par ses ronces, son formalisme, ses réjouissances et ses banquets mondains. Je vous en supplie, aidez-moi, car sans vous je ne suis rien. Un Grand Prêtre [d’Israël] a dit qu’ « il fallait que Jésus meure pour la nation, et non seulement pour elle, mais pour réunir dans l’unité les enfants de Dieu qui sont dispersés » (Jn. 11, 51-52).

Certes, mourir pour que les autres vivent, car se mettre au service est un asservissement à Dieu et aux autres, un asservissement aimant où réside la vraie liberté.

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Je n’oublierai pas les prières de Sa Béatitude et Sa confiance qui vont m’accompagner et m’apporter consolation et force, ma vie durant. [Je n’oublierai pas non plus] les prières de tous les évêques sans exception aucune, ni non plus celles des prêtres qui luttent avec moi et sur lesquels je vais pouvoir compter plus particulièrement. Je ne peux oublier non plus les prières de mes frères et sœurs, moines, moniales et tous les fidèles ainsi que, spécialement, les pères spirituels à Balamand et dans la sainte Montagne de l’Athos qui m’ont enfanté en Christ. Je voudrais aussi mentionner mes enfants spirituels, ma patrie, le monastère de saint Michel et ses moines, le village très aimé de Nahr Baqaata, qui m’ont permis de goûter à la joie d’une vraie vie de communion.

Je n’oublierai jamais mon devoir : mener paître la nouvelle génération de jeunes, en étant proche d’eux et avec amour, car « l’amour ne disparaît jamais » (1 Cor : 13 :8). L’objectif étant qu’ils ne sombrent pas face aux convoitises, aux séductions et aux poisons de ce siècle.

Enfin, je n’oublierai surtout pas mes frères les pauvres, ces petits que je me dois d’approcher avec la compassion de Dieu, afin que je ne sois pas condamné pour ne pas les avoir [assez] aimés.

Je vous remercie tous pour votre affection et pour la peine que vous vous êtes donnée et je rends grâce à Dieu pour toutes choses. Amin.

Ephrem,

Métropolite de Tripoli, Koura et dépendances

Le 18 Octobre 2009

Axios Ephrem